La dictature pour tous

Il n’a que faire du « démocratisme all-inclusive », le camarade Lordon. Laisser le ci-devant Finkielkraut déambuler impunément au milieu de la Place de la République eût fait, selon lui, suspecter de collusion les gentils organisateurs de la Nuit Debout© avec les « rouges-bruns ». Manifestant la paranoïa typique du dictateur, le Pasionario des amphis évoque les tentatives d’infiltration du mouvement statique par les sbires de la Réaction. Heureusement, le service d’ordre veille en éloignant les importuns avec force insultes, crachats et plus si affinités.

Encore que l’appellation « service d’ordre » ne soit pas très appropriée… En l’occurrence, on cherche moins à faire régner l’ordre que la peur. La sécurité du quidam passe bien après la traque de l’ennemi de classe. « Nous ne sommes pas amis avec tout le monde ! » prévient Lordon. « Et nous n’apportons pas la paix ! » ajoute-t-il en faisant son autochristique (Matthieu X ,34-36) et sous-entendant par là qu’il apporte le glaive. Ce ne sont pas les vertus évangéliques que sa milice antifink  est chargée d’appliquer mais, plus prosaïquement, de bouter de la place toute personne dont les penchants révolutionnaires laisseraient à désirer.

Combien de temps tout cela va-t-il durer ? Le temps, sans doute, d’user les patiences, et en premier lieu celle des éboueurs qui, chaque matin, ramassent à la pelle les papiers gras et cannettes de bière qui augurent l’utopie en gestation dans les cerveaux de ces zadistes urbains : une sorte de squat géant de punks à chiens. Avec la convergence des luttes, l’intersectionnalité et tout le jargon qui sied, on brainstorme, on dialectise, on réinvente. La montagne accouchera certainement d’une souris. On peut même craindre une fausse couche.

Une banderole géante clamant : « Qu’elle soit nationaliste, républicaine ou socialiste, virons la Droite ! » laisse supposer qu’en cas de prise de pouvoir par ces individus, les purges ne s’arrêteraient pas forcément au Modem. Car, au fond, ce monde qu’ils sont en train de concevoir a un arrière-goût de Semaine Sanglante et de Terreur Rouge, derrière le côté « Free hugs », « Do it yourself » et « Yes, we can ! ». Alain Finkielkraut avait qualifié ses contempteurs de « fascistes » tout en sachant qu’ils ne s’inspiraient pas de ce totalitarisme mais bien d’un autre dont l’apologie du « bilan globalement positif » ne fait pas encourir les foudres de la Loi Gayssot.

Lordon et ses nervis ont instauré une mini dictature marxiste-onaniste entre le McDo et le Go Sport. Entre Pâques et la Trinité, nous dira peut-être l’avenir. Entre la Révolution Culturelle et Sesame Street… Dans un entre-soi confortable, on multiplie les commissions – petites ou grosses – dans lesquelles on aborde des sujets plus ou moins rigolos. Mais personne n’osera demander quelle distance minimale doit séparer le stand antispéciste du marchand ambulant de merguez. On est hors-sol, presque en lévitation. Il ne manque plus que Raël.

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.