Une belle brochette

Le week-end dernier, la péninsule ibérique a été marquée par deux événements : la victoire de l’équipe portugaise à l’Euro de football et la défaite d’un matador espagnol à Teruel. La corrida en question n’était pourtant qu’un derby local. Mais si le match entre l’homme et le toro a tant ému les foules, c’est parce que le premier – largement favori chez les bookmakers – a perdu la rencontre avant le coup d’épée final, et de manière incontestable.

Cette divine surprise pour les torérophobes se manifesta par des youyous de réjouissance assez indécents. Trouver rigolo qu’un jeune marié se fasse tuer montre le niveau d’humanité de ces concombres bipèdes pour qui un pot de rillettes ou un charnier, c’est pareil. On la connaît, cette faune de victimes de la mode herbivore qui pousse rarement la cohérence jusqu’à se priver de ses signes extérieurs de richesse en peau d’animaux innocents… Du coup, les autorités espagnoles, qui ne sont pas très charlie, ont décidé de sévir contre tous ces antispécistes qui ont tweeté, youtubé et facebooké leur joie devant ce coup de corne fatal. Les plus fins limiers de la police judiciaire ont été chargés de les débusquer afin de leur faire expier leurs sarcasmes malsains. Les vegans vont prendre cher.

Maintenant, les aficionados pourraient, de leur côté, faire un effort pour ménager un peu le bon sens. Quand ils se rendent en famille aux arènes, ce n’est pas pour assister à Intervilles ou quelqu’autre attraction burlesque dans laquelle on lâche une vachette fofolle avec des balles de tennis plantées sur les cornes pour ménager les fesses des intrépides festayres dopés à la sangria qui l’asticotent. Non : ils viennent se donner des frissons en regardant un trompe-la-mort effectuer des pas de danse devant un taureau d’une demi-tonne dont la patience s’émousse au fur et à mesure qu’on lui plante des banderilles dans le cou. C’est vrai qu’avec quelques notes de paso-doble en musique de fond, ça devient tout de suite plus télégénique qu’un vulgaire concours de lancer de nain dans l’arrière-salle d’un bar australien.

Depuis le temps que j’entends les VRP de la corrida expliquer avec lyrisme que la différence fondamentale avec l’abattoir tient à la glorieuse incertitude du sport qui règne dans l’arène, je m’étonne de voir le traumatisme causé par un résultat qui, quoique statistiquement improbable, reste toujours dans le domaine du possible. On ne devient pas toréro par hasard ou suite à un coup de pression du Pôle Emploi. Il y a quelque chose de l’amour du risque dans ce boulot. Pour qui a peur des accidents du travail, il existe des professions plus adaptées. Quant au public, il faudrait qu’il sache ce qu’il veut, à la fin : du sang ? Il en a eu.

Olé !

Sinon, je voulais ajouter un truc, mais j’ai oublié quoi.